La gestion de la matière organique impacte les problématiques de désherbage

Toutes les propriétés d’un sol sont intrinsèquement liées à la matière organique (MO). Sa mauvaise évolution peut donc entraîner des problématiques sur la ferme, comme la levée de dormance de certaines adventices qui peuvent amener à des impasses de techniques de désherbage.

Elle demande à être gérée d’une manière bien particulière en système céréalier. La lecture de la MO que nous vous proposons est différente : notre objectif est de chercher à comprendre les causes des problématiques avant d’en traiter les conséquences.

C’est l’objet même de l’Agriculture 360, une agriculture qui sait prendre en compte trois facteurs indissociables : l’agriculteur, le sol et la plante.

Qualification de la matière organique

La matière organique du sol se divise en deux grandes catégories que l’on classe selon leur temps de dégradation dans le sol.

La matière organique labile : fraction rapidement décomposable

• La MO labile vient principalement des racines (2,5 fois plus que les parties aériennes).
• Nourrit le sol et la plante en créant un flux dynamique d’éléments facilement absorbables : elle constitue la source d’énergie principale des micro-organismes du sol.
• Colloïdes entre l’argile et l’humus, elle possède une capacité structurante supérieure à la MO trop stable qui peut être dispersée par le sodium.
• Adaptée à des systèmes de cultures annuels.
• Où la trouve-t-on ? Dans de nombreux engrais organiques : produits à base de vinasses, TGX, acides aminés, fientes de poules pondeuses.

La matière organique stable : fraction plus lentement décomposable

• Composée principalement de substances humiques non-accessibles à la dégradation microbienne.
• Structure le sol lorsqu’elle est liée avec des argiles.
• Propice pour cultiver des espèces pluri-annuelles : adaptée à des systèmes forestiers.
• Où la trouve-t-on ? Dans les produits à rapport C/N élevé, compost, bois raméal fragmenté, fumier pailleux.

Trouver l’équilibre entre MO labile et MO stable c‘est s’assurer de la bonne fertilité de ses sols

Comparer ses taux de matières organiques aux abaques connus ne suffit pas pour expliquer le fonctionnement ou dysfonctionnement d’un sol. Il est important d’en analyser la composition, et la manière dont elle agit avec la partie minérale du sol.

Dans un système céréalier avec des cultures annuelles, la dynamique recherchée est justement différente de celle des systèmes forestiers.

En effet, des taux de MO stable trop élevés peuvent entraîner le blocage de nombre d’éléments nutritifs nécessaires aux cultures annuelles. Dans ces conditions, les graminées ne peuvent pas se développer à leur plein potentiel.

—> Pour le bon fonctionnement d’un système céréalier, la proportion idéale (peut-être utopique) à rechercher est d’environ 40% de MO labile pour 60% de MO stable.

Un point de vigilance doit être porté sur les anaérobioses

Il est important d’observer l’évolution de la matière organique pour éviter les problématiques liées aux anaérobioses.

Comment cela se manifeste ?

Un milieu aérobie est un environnement où l’on trouve du dioxygène (O2). Un milieu anaérobie un environnement où il n'y a pas de dioxygène.

Pour obtenir de l'énergie, toutes les bactéries ont besoin d’oxygène qu'elles brûlent :

• En milieu aérobie, elles utilisent l'oxygène O2 dissous dans l'eau.
• En milieu anaérobie, elles trouvent l'élément oxygène sur les nitrates NO3-, qu’elles transforment en nitrites, et sur l’argile.

Les bactéries anaérobies, en respirant sur les argiles, participent à leur dispersion et agrandissent les poches d’anaérobioses. Ce phénomène, combiné à un excès de sodium ainsi qu’un manque de carbonate de calcium, crée un cercle négatif d’aggravation des anaérobioses.

Les conséquences :

• Rétrogradation de l’azote vers la sous forme nitrite, non-assimilable par les cultures, mais assimilable par certaines adventices connues.
• Aggravation du phénomène de dislocation des argiles, ce qui peut basculer dans des cas extrêmes sur de l’hydromorphie grave et sur de la MO en complète fermentation.
• Blocage d'éléments nutritifs qui deviennent non-assimilables pour les cultures (cuivre, manganèse, bore, etc.).

Les indicateurs à observer sur les parcelles

Trois indicateurs peuvent permettre d’identifier la cause des problématiques citées ci-dessus.

Des niveaux de sodium (Na) > 5 ppm :

• L’excès de sodium ralentit l’évolution de la matière organique, la fait passer sur des formes très stables et fait monter plus rapidement le taux de MO stable que de MO labile.
• Le seuil de 5 ppm est un seuil d’alerte. Isolé, il n’est pas suffisant pour acter les problématiques d’une parcelle. Cependant, si des problématiques sont identifiées et que la teneur en Na est supérieure à 5 ppm, il est important de creuser cet aspect.

Des niveaux de carbonate de calcium (CaCO3) < 5% :

• La teneur en sodium est à corréler avec la teneur en carbonates de calcium, qui eux ont un effet structurant en créant des liaisons entre les argiles et les particules organiques.
• Le ratio Na / CaCO3 est un indicateur important à regarder pour identifier la dynamique la fertilité des sols et les corrections à apporter.

Des niveaux de MO > 2,5% :

• Face à ce que nous observons régulièrement sur le terrain, si le taux de MO est supérieur à 2,5% ET que des problématiques adventices sont présentes sur les parcelles, nous portons une attention particulière à la qualification de la MO.
• Ce taux est à relier à la teneur en argile du sol. En effet, il n’est pas rare de constater des problématiques d’anaérobioses sur des parcelles de limons sableux avec un taux de MO 1,5% (dans ce cas c’est le taux de MO labile qui est préjudiciable).

Une des conséquences directes des anaérobioses est l’apparition de problématiques adventices sur les parcelles telles que les liserons, chardons, vulpins, renouées.

Notre lecture différente nous permet d’avancer positivement sur des problématiques désherbage récurrentes que rencontrent bon nombre d’agriculteurs.

Les moyens à mettre en place sont divers et variés selon votre système de cultures :

• Des corrections directes au sol avec des apports de calcium en fer de lance ;
• Le choix des cultures dans la rotation ;
• Une gestion adaptée de la paille et la menue paille ;
• L’usage de couverts végétaux soigneusement sélectionnés.

Dans notre prochain article, nous détaillerons les corrections à apporter pour limiter les levées de dormance des principales adventices en rotation céréalière.

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