L'agriculteur dans la civilisation
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La nutrition foliaire aux USA : entretien exclusif avec Nathan O’Berry, agronome produit chez Pioneer partie 1/2 🇺🇸🌽

Roméo Vezo
20/10/22

Cette semaine, nous avons eu la chance d’échanger avec Nathan O’Berry, agronome produit chez Pioneer dans l’État de Virginie, au sud-est des États-Unis.

Nathan travaille en étroite collaboration avec David Hula, agriculteur de renommée mondiale et détenteur du record mondial de rendement en maïs.

Voir l'article suivant :

🖋️ David Hula : comment fait-il pour atteindre les 392 q/ha en maïs ?

Dans cette première partie de l’interview, il nous parle du contexte agricole américain, du rôle croissant de la nutrition foliaire dans le déplafonnement des rendements, et des conseils concrets qu’il donne aux producteurs pour progresser.

La semaine prochaine, nous décortiquerons les méthodes de David Hula et découvrir comment les adapter pour aller chercher plus de rendement chez nous !

Bonjour Nathan, peux-tu te présenter en quelques mots ?

‍Je suis agronome produit chez Pioneer, dans l’État de Virginie. Mon rôle est de faire le lien entre l’équipe de recherche et l’équipe commerciale.

Je suis présent sur les parcelles d’essai où l’on teste nos variétés de maïs, soja, coton, etc. Et je participe aux décisions sur les variétés à faire passer du stade expérimental au stade commercial.

Je travaille aussi à positionner les variétés en fonction de leur profil : rendement élevé, tolérance au stress, stabilité… Et je fournis des recommandations agronomiques aux équipes commerciales et aux producteurs.

Tu travailles avec David Hula. Quelle est votre relation ?

‍David a l’une de mes parcelles de recherche sur sa ferme, celle où il met généralement ses essais à haut potentiel.

On échange très régulièrement, au moins une fois par mois hors saison. Il me contacte souvent pour discuter de variétés, ou pour des conseils.

Il utilise beaucoup de variétés Pioneer, une quinzaine environ. Il aime varier, essayer de nouvelles choses. C’est quelqu’un de très intelligent, toujours en train d’apprendre. On travaille vraiment main dans la main pour choisir les meilleures variétés pour ses terres.

David Hula et Nathan O’Berry dans une parcelle de maïs à haut rendement (PIONEER, 2022)​

Quels sont les enjeux majeurs du moment pour l’agriculture américaine ?

On commence tout juste les semis en ce moment. Ce qui domine les discussions ici, c’est l’incertitude. Les prix des matières premières sont bas — je parle des prix de vente des cultures comme le maïs, le soja ou le coton — et dans le même temps, nos coûts d’intrants ont explosé ces dernières années, surtout depuis le COVID.

Résultat : le revenu net à la ferme est bien plus faible qu’il y a cinq ans. Beaucoup d’agriculteurs se souviennent encore de l’époque où le maïs se vendait entre 24 et 27 $ le quintal, et le soja atteignait 62 à 66 $ le quintal. Aujourd’hui, les prix ont chuté : le maïs tourne autour de 18 à 20 $/q, le soja autour de 39 $/q, et le coton est descendu à environ 143 $/q. Une baisse marquée des prix de vente, alors même que les coûts de production continuent d’augmenter.

Les intrants — engrais, carburant, phytos — ont flambé, donc les agriculteurs doivent être aussi efficaces et rentables que possible, parfois juste pour garder leur ferme en activité.

En plus de ça, il y a toute la question des droits de douane, sur laquelle le président Donald Trump travaille actuellement.

‍Comment vois-tu l’impact du retour de Donald Trump à la Maison Blanche sur l’agriculture américaine ?​

La majorité des agriculteurs comprennent les raisons de certaines politiques, mais à court terme, ça pèse sur le portefeuille, donc il faut trouver des solutions. 

Lors de son premier mandat, en raison des droits de douane imposés à la Chine, le prix du soja est tombé à 8 dollars le boisseau, soit environ 29 dollars le quintal. Et la Chine représente un marché crucial pour nous — c’est l’un de nos plus gros acheteurs.

Les organisations agricoles font pression sur le ministère de l’Agriculture et sur le président pour que des mesures soient prises, parce que les agriculteurs sont déjà sous pression. Et là, avec les tarifs en plus, c’est encore plus tendu.

Je pense que Trump comprend ce dont notre communauté agricole a besoin. Mais selon moi, vu de l’extérieur, il semble plus focalisé sur l’industrialisation et l’énergie que sur l’agriculture à l'heure actuelle.

Il y a aussi le problème de la perte de terres agricoles. On a vu apparaître énormément de projets liés au climat : panneaux solaires, éoliennes… Et l’urbanisation est galopante. Ma région était très rurale, mais maintenant, chaque champ ou presque se retrouve avec une maison construite dessus.

Nos parcelles ici sont petites, souvent entre 15 et 20 acres (6 à 8 hectares), à cause des bois notamment. Il y en a de plus grandes, mais même les petites sont grignotées.

Je pense qu’il comprend qu’il faut protéger ces terres. Mais concernant le soutien direct aux agriculteurs, je dirais qu’il sait ce qu’il faudrait faire, mais qu’il se concentre plus sur l’indépendance énergétique que sur les ventes agricoles pour le moment.

C’est son slogan : "America First". Il veut ce qu’il y a de mieux pour le pays. Il y aura toujours des critiques, surtout quand ça complique les choses, même temporairement. Mais je crois qu’il veut remettre certaines choses sur les rails, pour le long terme.

​Trump menace John Deere de taxes douanières à hauteur de 200 % si l’entreprise délocalise sa production au Mexique (AGRICULTURE DIVE, 2025)

Quelle est la place de la nutrition foliaire aujourd’hui aux États-Unis ?

Elle prend clairement de l’ampleur, notamment avec la hausse des prix des engrais. Depuis le COVID, les intrants ont augmenté dans tous les domaines, donc les agriculteurs s’y intéressent de plus en plus.

Je dirais que 75 Ă  80 % des producteurs, que ce soit en maĂŻs ou en soja, appliquent au moins un produit foliaire.

L’objectif est simple : optimiser le retour sur investissement !

Il y a aussi un intérêt grandissant pour les foliaires en céréales et en soja. Peut-être même plus qu’en maïs. Le problème avec le maïs, c’est qu’il devient trop haut pour passer avec un engin au sol. Il faut un avion, un hélicoptère… ou un drone. 

Et justement, l’intérêt pour les drones prend de l’ampleur en ce moment, parce qu’ils permettent d’appliquer des fertilisants foliaires même quand le maïs est déjà haut.

Quels conseils donnerais-tu Ă  un agriculteur qui plafonne Ă  160 boisseaux/acre (environ 100 q/ha) ?

Je ne connais pas bien le contexte pédo-climatique français, évidemment. Mais si le potentiel est là — disons que le sol peut faire du 240 boisseaux/acre (150 q/ha) — alors il faut vraiment se pencher sur la fertilité, et surtout le bon moment pour faire les apports.

Ce que je recommande, c’est de faire des analyses foliaires pendant la saison, pour repérer les moments où la plante pourrait manquer de quelque chose.

Il faut absolument éviter les carences tôt dans la saison, entre les stades V4 et V6, parce que c’est là que la plante décide du nombre de rangées de grains. Puis entre V8 et V10, elle détermine la longueur de l’épi.

Et plus tard, il ne faut pas qu’elle souffre pendant le remplissage du grain. Mais ce qui se passe au début est crucial : c’est ce qui définit le potentiel de rendement.

Donc mon conseil, c’est de soigner le programme de fertilité dès le départ, puis de vérifier qu’il n’y a pas de manques tout au long du cycle.

Évidemment, tout ça ne fonctionne que s’il y a suffisamment d’humidité. Parce qu’on sait tous que l’eau et la lumière, ce sont les deux premiers facteurs de rendement pour le maïs. Ensuite, la fertilité arrive en numéro trois. Il ne faut pas que la plante manque de quoi que ce soit à aucun moment clé.            

Un dernier mot pour les producteurs français ?

Regardez David Hula. Même après avoir atteint 623 boisseaux/acre (392 q/ha), il continue de tester de nouvelles choses. Il cherche toujours les 3, 4 ou 5 boisseaux en plus.

Ce que j’admire chez lui, c’est qu’il n’a pas peur d’échouer. S’il teste un truc qui ne fonctionne pas, il dit juste : “OK, c’était nul, je ne referai pas.” Et il passe à autre chose l’année suivante.

C’est ce que je dirais à vos agriculteurs : sortez du cadre. Ne faites pas chaque année exactement la même chose. Prenez du recul, observez votre système, et demandez-vous : “Où est-ce que je peux ajuster un petit paramètre pour gagner 5 boisseaux de plus ?”

C’est cette mentalité d’expérimentation, d’amélioration continue, qui fait la différence.

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